Oscar Arias fait une petite proposition
Si les gouvernements d’Amérique latine souhaitent continuer à consacrer des deniers publics aux matériels militaires, ils deraient, pense l’ex-président costaricien, lauréat du prix Nobel, à tout le moins dire combien et pourquoi.
En effet, la plupart des pays d’Amérique latine consacrent une part importante de leur budget à la défense. Pourtant on ne peut pas dire que cela sent la poudre dans la région. Selon Arias, les données recueillies par les Nations Unies montrent que les dépenses militaires en Amérique latine sont, en moyenne, les trois quarts de ce qu’elles sont dans les pays industrialisés, en pourcentage de l’ensemble des dépenses publiques. À titre de comparaison, les dépenses publiques de santé en Amérique latine ne sont que la moitié de ce qu’elles sont dans le monde industrialisé.
Comme il est citoyen du seul pays en Amérique latine qui a choisi de ne pas avoir de forces militaires, on peut s’attendre qu’Arias critique ces choix budgétaires. " Lorsque le budget militaire est beaucoup trop important par rapport au budget de la santé — ce qui est vrai dans bon nombre de nos pays — les pauvres sont mis dans l’impossibilité de mener une vie saine. " C’est ce qu’il a fait savoir lors d’une récente communication orale au siège de la BID à Washington. " Lorsque des gouvernants mettent l’accent sur les casernes plutôt que les écoles, ils hypothèquent l’avenir des enfants. "
Mais ce qui dérange Arias au surplus, c’est que beaucoup de citoyens de la région n’ont aucune idée du montant des dépenses militaires dans leur pays. C’est parce que ´ près de la moitié ª des gouvernements de la région gardent ce chiffre secret, affirme Arias.
Ce secret est un outrage à la transparence financière, qui, de l’avis d’Arias, est " l’une des valeurs fondamentales qui doivent animer les dirigeants " et un élément essentiel de l’art de bien gouverner. " Le secret est une forme de corruption, même lorsqu’il ne sert pas à occulter l’enrichissement personnel illicite des gens au pouvoir ", a-t-il précisé dans son discours. " À mon avis, ceux qui abusent de leur pouvoir en faisant ces cachotteries sur l’utilisation des deniers publics ont une attitude corrompue. "
Faute de données précises sur les dépenses militaires, les citoyens et leurs élus au Parlement ne peuvent pas avoir de débat sérieux pour déterminer " si ces dépenses sont adaptées aux impératifs de sécurité et de défense du pays, ou si, au contraire, elles sont exorbitantes et mobilisent des ressources qui devraient être consacrées au développement humain ", a affirmé Arias.
Arias est d’avis que les institutions multilatérales comme la BID, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, doivent s’en soucier. " Comment peut-on s’assurer que les ressources destinées au développement des pays de la région sont utilisées au mieux, si les gouvernements refusent de dévoiler des volets importants du budget national ? " a-t-il demandé.
Il a reconnu que les institutions comme la BID ne sont pas habilitées à intervenir dans la politique intérieure de leurs pays membres. Mais il a fait valoir que la volonté de la Banque d’améliorer la " gouvernabilité " et d’encourager le développement social dans la région lui confère le devoir de s’exprimer sur la question des dépenses militaires. En fait, il est même allé jusqu’à proposer que " la BID subordonne ses prêts à la transparence du budget militaire du pays, ou mieux encore, au redéploiement d’une partie de ces crédits vers l’école et la santé ".
Les réflexions d’Arias surviennent au moment où les projecteurs de l’actualité se braquent de nouveau sur les inquiétudes au sujet d’une course aux armements dans la région de l’Amérique latine. En effet, les États-Unis envisagent de mettre fin aux restrictions visant l’achat d’avions de combat et d’autres matériels de guerre dernier cri par les pays de la région.