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Des services de santé pour qui ?

Lors d'un récent voyage à Barranquilla en Colombie, j'ai rencontré une jeune femme qui venait d'apprendre qu'elle souffrait d'une tumeur au cerveau. Elle habitait alors avec sa mère dans un quartier pauvre. L'une et l'autre travaillaient, et la jeune femme étudiait aussi le soir.
Il y a dix ans, cette jeune femme aurait été encore plus inquiète. À l'époque, une personne comme elle ayant peu de ressources n'aurait sans doute pas reçu de bons soins en temps opportun dans un hôpital public. Or un nanti aurait pu facilement se faire soigner dans un établissement privé.

Mais il y a eu un dénouement heureux. Dans le cadre du nouveau système de santé colombien, la jeune femme s'était affiliée à un régime d'assurance maladie auprès d'une entreprise locale de promotion de la santé. Elle a pu se faire opérer. Cette assurance s'inscrit dans un vaste ensemble de réformes destinées à réorganiser les soins dans le pays afin d'en accroître la transparence auprès des citoyens, y compris des pauvres.

La Colombie ne fait pas bande à part. Plusieurs pays d'Amérique latine sont en train de réformer leur système de santé afin d'accroître l'égalité devant les soins, d'élargir l'accès aux services et d'en améliorer la qualité. Ces réformes ont fait l'objet d'une récente conférence intitulée « Le défi de la réforme de la santé : rejoindre les pauvres » et coparrainée par la BID, la Banque mondiale et l'Agence costaricienne de sécurité sociale. Des participants du Guatemala ont retracé l'adoption par leur pays d'une nouvelle politique d'acquisition de services de base par le truchement d'organisations non gouvernementales, qui a permis à 3,5 millions de ruraux de bénéficier pour la première fois de soins modernes. D'autres, comme le directeur d'un programme dans le Massachusetts aux États-Unis, ont décrit les efforts faits pour rejoindre des segments de la population qui étaient toujours sans assurance privée.
 

Ces initiatives traduisent un nouveau cadre de pensée sur les soins de santé. Après des années de débats politiques sur la « privatisation » des soins et l'opposition « efficacité-équité », un consensus se dégage sur le fait que pour apporter des changements concrets, il faut trouver de nouveaux moyens pour amener l'hôpital public à être comptable des soins pour tous les citoyens d'un pays. Ainsi, le gouvernement du Costa Rica, comme la municipalité de Bogota, met à l'essai des « contrats-plans » pour ses hôpitaux publics. En échange d'un pouvoir discrétionnaire et d'une autonomie financière accrus, les hôpitaux conviennent de se soumettre à des révisions budgétaires annuelles. Ils doivent démontrer qu'ils utilisent bien leurs crédits dans l'organisation concrète des soins. Dans d'autres cas de figure, les pays recherchent une plus grande transparence des services de santé en donnant aux pauvres les mêmes possibilités qu'ont les riches, par exemple celle de souscrire à une assurance maladie ou de se procurer les services du médecin, de la clinique ou de l'hôpital qui, à leur avis, les servira le mieux.

C'est la méthode adoptée par la Colombie pour sa réforme de la santé. Elle consiste à subventionner l'assurance maladie pour les pauvres. Dans ce pays, le nombre d'assurés au sein des 40 % les plus pauvres de la population est passé de 8 à 53 % en l'espace de cinq ans. Environ 8 millions de Colombiens qui auparavant n'étaient pas assurés ou l'étaient très peu, comme la femme que j'ai rencontrée à Barranquilla, le sont désormais.
En plus de soutenir les programmes guatémaltèque et colombien décrits ici, la BID aide à financer diverses initiatives visant à réformer la santé dans des pays comme l'Argentine, la Bolivie et le Brésil. Ces efforts visent tous à favoriser des changements institutionnels qui accroîtront l'égalité devant les soins en permettant aux patients de faire des choix et en rendant les organismes de santé responsables de la qualité de leurs services.

* L'auteur est économiste principal à la Division du développement social de la BID.

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