Aller au contenu principal

Les villes exhibent leur force financière

Imaginez un pays au bord d'une grave crise budgétaire.

Par souci de maîtriser le déficit national, le gouvernement décrète des compressions budgétaires tous azimuts. Il commence par faire des coupes claires dans les transferts fédéraux aux collectivités locales. Pour dorer la pilule, il leur accorde une autonomie politique sans précédent : au lieu d'être nommés, les maires sont désormais élus au suffrage universel.

Cette décentralisation amène des mutations dans la capitale du pays. Face aux grandes attentes de ses administrés, le maire nouvellement élu privatise les services publics municipaux, relève les impôts locaux, fait des coupes sombres dans les dépenses, améliore l'efficacité de son administration et gagne la confiance des investisseurs. Enfin, les responsables financiers de la ville décident de financer de nouveaux investissements en émettant des obligations sur les marchés internationaux.

C'est une façon de lever des capitaux qui était exclue auparavant pour les municipalités.

On dirait le film des récents événements dans la grande « économie émergente » de
l'Amérique latine. Mais en fait, ce scénario s'est réalisé en Italie dans les années 90, et la ville en question n'est nulle autre que Rome, l'un des berceaux de la civilisation occidentale.

Linda Lanzillotta, commissaire romain aux politiques économiques, financières et budgétaires, a décrit lors d'un récent colloque au siège de la BID à Washington la façon dont la Ville éternelle a lancé une émission. Le colloque a attiré l'attention de participants venus de nombre de pays d'Amérique latine et des Caraïbes qui ont entrepris la décentralisation de leurs institutions politiques et la mise en place de marchés financiers et qui se sont essayés à l'émission d'obligations municipales.

« La diversification des bailleurs de fonds a permis à la mairie de Rome de réduire le coût de ses financements sans réduire pour autant le montant total des dépenses d'équipement », a affirmé Lanzillotta. En effet, Rome a lancé sa première émission d'obligations d'un montant de 100 milliards de lires (50 millions d'euros) en 1996.

En plus de lever des capitaux, selon Lanzillotta, les obligations ont permis d'accroître la transparence et l'efficacité de l'administration financière de Rome. Le simple fait que la mairie doit désormais se soumettre à des évaluations de crédit annuelles effectuées par des agences de notation indépendantes a eu un effet salutaire, affirme-t-elle, parce que la mairie est ainsi amenée à conduire des politiques économiques saines. Cette responsabilité financière « a fait évoluer les mentalités au sein de l'administration locale, elle a constitué une véritable révolution », précise-t-elle. Les émissions d'obligations ont également conduit les responsables de la ville à associer les administrés à la définition des priorités en matière de dépenses.

Kim Staking, spécialiste financier principal à la BID, a dit aux participants au colloque que les pays d'Amérique latine et des Caraïbes peuvent tirer de nombreux enseignements de l'exemple de Rome, qui a mis en place le cadre financier, juridique, réglementaire et politique nécessaire pour réussir son insertion sur les marchés obligataires.

« Il convient d'étudier les réussites », a-t-il ajouté. Il a souligné notamment l'importance d'épouser la logique du marché dans l'administration des finances municipales et la nécessité de réduire l'intervention du gouvernement central dans les activités liées aux équipements. Staking a également évoqué l'importance de la mise en place de règles et de réglementations adaptées et claires pour la création d'un cadre propice aux émissions d'obligations.

La BID et le Fonds multilatéral d'investissement, un fonds indépendant administré par la BID, se sont attachés ces dernières années à consentir des prêts et des dons à plusieurs pays d'Amérique latine et des Caraïbes qui s'efforcent d'élargir les marchés de capitaux d'intérêt local, y compris les marchés obligataires.

Jump back to top