C'est une haute ambition qui recueille des adhésions en haut lieu : permettre, à l'horizon 2000, aux très petites entreprises (TPE) ainsi qu'aux petites et moyennes entreprises dans les Amériques d'avoir recours aux services financiers officiels , par exemple contracter des emprunts ou une assurance ou disposer d'un compte chèques.
Les 34 chefs d'Etat réunis au sommet continental d'avril à Santiago (Chili) ont fait leur cette aspiration car il s'agit là d'un moyen indispensable pour faire reculer la pauvreté. Leur Plan d'action prévoit notamment un vaste effort de débureaucratisation pour favoriser les petites entreprises et les institutions qui aident les TPE à devenir plus compétitives par des formations et des concours techniques.
Les spécialistes des TPE se sont réjouis de ces engagements qui ont été couchés dans les documents définitifs du Sommet des Amériques.
On semble mieux comprendre combien les TPE peuvent contribuer à faire reculer la pauvreté, le document définitif ayant constaté la nécessité d'encourager divers services qui débordent largement le simple accès au crédit , affirme Marguerite Berger, chef de la Direction de la micro-entreprise à la BID.
Un optimisme semblable a soufflé sur la conférence tenue à Mexico en mars dernier, qui a réuni quelques-unes des institutions financières les plus vouées aux TPE ainsi que des organismes qui apportent un soutien technique. Les participants au Forum interaméricain sur les TPE, organisé en collaboration avec la BID, ont mis en valeur ce secteur autrefois boudé qui donne des moyens de subsistance aux défavorisés de la région.
Plus de 80 % des entreprises en Amérique latine et dans les Caraïbes correspondent au profil de la très petite entreprise, qui, selon sa définition, compte 10 salariés ou moins. Les TPE emploient environ 120 millions de travailleurs, ce qui en fait de loin le gisement d'emplois le plus important dans la région.
Or les spécialistes font une mise en garde : il reste beaucoup à faire pour que ces très petites entreprises, souvent précaires, prospèrent et deviennent un moteur de l'économie sur lequel on peut compter.
Seulement une TPE sur vingt peut trouver des capitaux dans le circuit officiel, souvent par l'entremise de programmes mis en œuvre par des ONG grâce à des dons et à des aides financières. Les prêts aux TPE augmentent certes au rythme de 30 % par an selon les estimations, mais ils ne sont consentis qu'à une infime minorité. En outre, certains pays ont encore des législations et réglementations qui paralysent les petites entreprises. Il y a par exemple un gouvernement qui dispose d'un secrétariat ministériel aux très petites entreprises mais qui alourdit d'une surtaxe pénalisante les prêts consentis aux très petites entreprises dans l'économie parallèle.
Les spécialistes préconisent de plus en plus une stratégie à deux axes qui seule permettrait de surmonter ces obstacles. D'abord, les institutions financières vouées aux TPE doivent s'affranchir des dons, certes bien intentionnés mais limitatifs, pour participer à part entière aux marchés financiers officiels. Ensuite, les gouvernements doivent instaurer un climat propice à l'épanouissement de ces nouvelles institutions financières.
Le premier volet de cette stratégie prévoit une action importante : encourager la participation des banques d'affaires, des établissements financiers et des fonds communs de placement qui ont traditionnellement boudé les prêts aux TPE. Le coût des petites opérations financières en faveur de clients n'ayant peu ou pas de répondant voire même de papiers d'identité en règle se révélait habituellement trop lourd à supporter pour les institutions n'aspirant qu'à dégager des bénéfices.
Toutefois, la situation commence à évoluer. Au forum qui s'est tenu à Mexico, le vice-président adjoint de la Citibank Fawzia Naqvi a affirmé que sa banque envisageait d'intégrer dans ses métiers les prêts aux TPE. La Citicorp Foundation apporte son concours aux fonds pour les TPE depuis 1990 et a même investi dans une institution qui dessert les TPE en Colombie. Le géant financier new-yorkais a décidé de dépasser le stade de la philanthropie.
Avec le temps, nous croyons que la Citibank pourra nouer des relations commerciales dans le domaine des très petites opérations commerciales, en plein développement, notamment en proposant des produits et services de gestion de trésorerie, comme les entrées électroniques, et en envisageant l'utilisation de cartes bancaires , affirme-t-elle.
F. Naqvi appelle aussi les institutions financières vouées aux TPE à normaliser leurs pratiques et la mesure de leurs résultats pour que les investisseurs et partenaires extérieurs puissent juger avec exactitude de leur santé financière. Quelques petites institutions sont extrêmement performantes, par exemple BancoSol en Bolivie et la Financiera Calpiá au Salvador, mais il n'existe pas de normes pour la profession susceptibles de guider les éventuels investisseurs.
Selon Shari Berenbach, directeur administratif de la Calvert Social Investment Foundation, les institutions financières vouées aux TPE peuvent commencer à attirer des investissements émanant des marchés financiers officiels en améliorant leur système d'information administrative et la qualité de leurs portefeuilles de prêts et montant un parcours sans faute au chapitre des prêts et des bénéfices.
Plus tard cette année, la BID compte approuver un programme d'assistance technique de 10 millions de dollars supporté par son Fonds multilatéral d'investissement (MIF) et destiné à renforcer les ONG qui consentent des prêts aux TPE afin de combler leurs faiblesses administratives et de les aider à se transformer en institutions financières officielles et réglementées.
Dans le cadre de sa stratégie, affirme le directeur général du MIF Donald Terry, la BID continuera à collaborer avec les gouvernements des pays emprunteurs pour améliorer leur fiscalité, les conditions d'octroi des licences et les réglementations du commerce et du travail et pour renforcer l'encadrement par les autorités bancaires des institutions financières vouées aux TPE.
Ces institutions constatent elles-mêmes qu'elles doivent mieux maîtriser leurs coûts, notamment en dégraissant leurs structures administratives, affirme Claudio Higuera, directeur général de l'institution colombienne Emprender.
Emprender est une institution financière vouée aux TPE qui a centuplé son capital social, de 3 000 dollars accordés à titre de don à plus de 3,5 millions de dollars en sept ans. Elle se donne pour objectif de compter un salarié pour chaque million de dollars de prêts. Elle affiche en ligne ses informations financières et instruit même des demandes d'emprunt qui lui sont communiquées par Internet.
Nous devons cesser d'habiller nos bilans financiers et nous dire la vérité , conclut C. Higuera.