La nouvelle unité monétaire européenne étant désormais chose faite, l'Amérique latine se demande quel impact l'euro aura sur la région.
Il ne faut pas s'attendre à de lourdes répercussions économiques, du moins à court terme, affirme Charles O. Sethness, chef du Département des finances à la BID. Il croit que, dans l'immédiat, les conséquences seront probablement peu importantes, que l'euro permettra principalement de faciliter les transactions en devises. Ainsi, un pays donné n'aura plus à mener de nombreuses opérations de change et de couverture en raison de la multiplicité des monnaies européennes.
Mais, à l'avenir, certains pays d'Amérique latine et des Caraïbes et certaines institutions financières pourraient juger que les transactions financières sur le marché de l'euro sont aussi attractives et accessibles que sur les marchés du dollar et du yen, selon Sethness.
Le marché de l'euro pourrait prendre de l'expansion et présenter une plus grande liquidité que les marchés monétaires européens actuels, tout cela avec des rendements supérieurs et des instruments à taux inférieur, a-t-il poursuivi.
Dans le même temps, les exportations européennes pourraient devenir plus concurrentielles sur les marchés mondiaux en raison de la baisse des frais de change et de transaction. À terme, le prix des exportations latino-américaines pourrait être plus souvent fixé en euros plutôt qu'en dollars, a-t-il ajouté.
L'Europe est le deuxième partenaire commercial de la région, avec des exportations annuelles s'élevant à environ 30 milliards de dollars et des importations atteignant 40 milliards de dollars. Les investissements européens en Amérique latine représentent près de 23 % des investissements étrangers dans la région.
Dans une étude récente sur l'impact de l'euro, le Système économique latino-américain (Sela) a constaté que la nouvelle monnaie n'apporterait pas forcément une plus grande stabilité aux marchés financiers mondiaux. " Il est important pour les pays en voie de développement de rester vigilants dans la conduite de leur politique monétaire et de leur politique relative aux réserves ", a affirmé le Sela.
Au lendemain de son adoption le 1er janvier 1999, l'euro représentera 30 à 35 % de l'encours des prêts dans le monde et remplacera le deutschemark à titre de deuxième monnaie en usage dans les échanges commerciaux mondiaux, après le dollar, selon le Sela.
S'agissant des taux d'intérêt sur la dette extérieure, l'introduction de l'euro ne concernera pas les pays dont les taux sont liés au Libor en dollars (le Libor étant le taux interbancaire offert à Londres pour les dollars U.S., largement utilisé dans les emprunts internationaux), affirme le Sela. Toutefois, un nouveau taux qui sera lié à une référence euro/franc français ou à une référence deutschemark/euro sera attribué aux pays dont les dettes sont liées au TIOP (taux interbancaire offert à Paris, dit aussi Pibor) ou au Libor en deutschemarks.
Les marchés financiers européens prendront une grande importance avec l'euro et participeront davantage au financement de l'expansion des entreprises, jouant en cela un rôle semblable à celui des marchés financiers américains, prévoit le Sela. " L'obligation en euros et les places boursières européennes rivaliseront avec celles des États-Unis, ce qui réduira le coût du capital et augmentera l'efficacité des placements. "
À la suite de l'avènement de l'euro l'an prochain, la BID et le gouvernement français tiendront une conférence de haut niveau sur l'impact international de la nouvelle monnaie le 16 mars à Paris en marge de l'assemblée annuelle de la Banque.
Pendant ce temps, lors d'un sommet des dirigeants des pays du Mercosur qui s'est tenu en juillet dernier en Argentine, le président de ce pays a appelé de ses vœux une monnaie commune pour les quatre pays membres. Le président Carlos Menem a pronostiqué que l'union monétaire du Mercosur se réalisera en moins de temps que l'union monétaire européenne, qui a demandé un demi-siècle.