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A l'assaut d'un fléau caché

La corruption. Il y a dix ans, ce mot était rarement évoqué en public, et même les media "prenaient des gants" pour aborder ce sujet.

Cependant, en septembre dernier, des centaines de fonctionnaires, d'universitaires et représentants de la société civile de 90 pays se sont rencontrés à Lima (Pérou) pour discuter en toute simplicité de ce que les participants ont décrit comme étant une des menaces les plus pressantes pour la démocratie dans les pays en développement.

La conférence intitulée "l'Etat et la société civile en lutte contre la corruption" a été organisée par le gouvernement péruvien et l'organisation non gouvernementale "Transparence internationale" basée à Berlin, et avec la participation de la BID.

Cette rencontre tombait à point nommé. Ces dernières années, les informations sur la corruption généralement définie comme l'utilisation de fonctions publiques pour un apport financier privé, sont devenues un sujet qui a été présenté périodiquement en première page des journaux dans le monde entier. Des allégations concernant des contributions illégales pour campagnes électorales, des fraudes en douanes, des contrats truqués du secteur public et d'autres abus, ont été faites à l'encontre des gouvernements sur tous les continents et à tous niveaux de développement.

Le monde souffre-t-il d'une "épidémie" de corruption sans précédent ? Probablement pas, répondent les spécialistes s'intéressant à la mise en application des lois et à la bonne conduite des affaires publiques. La corruption a toujours existé au sein des administrations dans toutes les cultures. Ce qui a changé, c'est la prise de conscience de ce problème par la société et sa volonté de reconnaître ouvertement l'existence de ces abus et de les combattre.

La combinaison d'un certain nombre de facteurs a fait que la corruption a été mise au premier plan. Les exigences politiques de la guerre froide, qui ont souvent détourné l'attention des problèmes liés à la bonne conduite des affaires publiques, ne dominent plus les ordres du jour aux niveaux national et international. En Amérique latine et dans les Caraïbes, l'expansion de la démocratie s'est traduite par des exigences en ce qui concerne une justification plus transparente de l'emploi des fonds par les fonctionnaires, et par une tolérance moins grande vis-à-vis des malversations. En dernier lieu, l'explosion des investissements privés internationaux dans les pays en développement a attiré une attention sans précédent sur les affaires locales et les procédés financiers.

Les conférenciers ont décrit à la réunion de Lima la manière dont cette évolution a coïncidé avec la critique croissante de la notion suivante, à savoir que la corruption est un sous-produit inévitable du développement économique qui n'entrave pas nécessairement la croissance. Daniel Kaufmann, chercheur à l'Université d'Harvard, a exposé par exemple les résultats d'une enquête dans laquelle il a demandé à 150 cadres supérieurs et hauts fonctionnaires de 63 pays en développement et auparavant communistes de nommer ce qu'ils considéraient l'obstacle le plus important au développement de leur pays. Tous ont mentionné la corruption dans le secteur public comme étant la barrière numéro un au développement.

Un impôt sur la société.
Ces conclusions avaient été anticipées par le Président de la BID, E. Iglesias, à l'occasion du Sommet des Amériques en 1994. A la réunion de Miami, E. Iglesias a défini la corruption comme étant "un des plus grands maux qui constitue un fléau pour la consolidation de la démocratie en Amérique latine et dans les Caraïbes". Il a précisé que si "l'inflation est un impôt sur les pauvres", par conséquent, la corruption "est un impôt sur la société en entier". La corruption astreint les coûts économiques "en détournant les ressources du développement", les coûts politiques, ceci se traduisant par "un mécontentement de la population et l'affaiblissement des régimes démocratiques", et les coûts sociaux en "désintégrant le tissu social, dénaturant la culture et renforçant l'illégalité et le clientélisme".

A la conférence de Lima, la BID a financé la participation de 15 experts de la région spécialistes de questions légales, judiciaires et celles liées à la société civile. La Banque a également organisé trois tables rondes et chargé des spécialistes latino-américains de rédiger des rapports qui ont été présentés à ces tables rondes. María Luisa Rains, chef de la division fiscale à la BID, a conduit un débat sur la corruption dans le secteur de l'administration fiscale et a présenté un rapport sur ce sujet. Jorge Claro de la Maza, chef du Bureau de la politique de passation des marchés et de la coordination à la BID, a dirigé une table ronde sur le resserrement des systèmes de passation de marchés. Edmundo Jarquín, chef de la division de l'Etat et de la société civile à la BID, a aidé à organiser une table ronde sur le rôle de la société civile face à la corruption dans les pays latino-américains en voie de moderniser leur secteur public.

Par ailleurs, la BID appuie directement les efforts entrepris par les pays qui luttent contre la corruption, souligne J. James Spinnor, le conseiller juridique adjoint de la BID. Les programmes financés par la Banque pour réformer la gestion financière publique, le recouvrement des impôts, les douanes et l'organisation judiciaire permettent de réduire les occasions pouvant aboutir à des cas de corruption dans le secteur public. Les programmes financés par la Banque dans les domaines de la réglementation, la privatisation et la décentralisation soulignent l'importance de la transparence et de la justification de l'emploi des fonds.

"La Banque est prête à fournir une aide supplémentaire aux pays membres qui le demandent", a précisé J. Spinner. Par exemple, à l'heure actuelle, elle prépare un programme de coopération technique régionale qui offrira aux régulateurs financiers des cours de détection et de prévention du blanchissage de l'argent.
 

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