Lima (Pérou) - L’Amérique latine doit profiter de la reprise économique naissante pour faire face à l’instabilité politique et au mécontentement social et se préparer à d’éventuels ajustements dans les pays industrialisés, notamment aux États-Unis, a affirmé aujourd’hui le Président de la Banque interaméricaine de développement Enrique V. Iglesias.
Dans son discours d’ouverture lors de la 45 assemblée annuelle des Gouverneurs de la BID et de la Société interaméricaine d’investissement, Iglesias a affirmé que l’économie de la région pouvait enregistrer une croissance d’environ 4% cette année, après cinq ans de résultats décevants.
Cependant, a-t-il ajouté, ce redressement repose en grande partie sur la montée des cours de matières premières clés, sur la croissance dans les pays industrialisés, sur la faiblesse du dollar face aux autres grandes devises et sur des taux d’intérêt internationaux exceptionnellement bas.
« Les améliorations qui au sein d’une économie sont le fait de l’extérieur s’installent rarement dans la durée. La région le sait d’expérience et l’histoire du monde en témoigne, a affirmé Iglesias. Il faut s’attendre tôt ou tard à des ajustements. »
Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes doivent profiter de cette phase favorable pour consolider les réformes qui ont bien fonctionné, corriger celles qui n’ont pas répondu aux attentes et poursuivre les réformes en cours afin d’améliorer l’efficacité économique et d’assurer une distribution plus équitable de ses bienfaits, a-t-il ajouté.
Iglesias s’est dit préoccupé aussi par les troubles politiques dans certains pays de la région, qui sont le signe d’un mécontentement populaire à l’égard du fonctionnement des démocraties et des résultats des réformes économiques.
« L’assainissement économique et la maîtrise de l’inflation ont certes bénéficié à l’ensemble de la population, mais pour les réformes et les politiques de libéralisation, il n’y a pas toujours eu une répartition équitable des coûts et bienfaits », a-t-il dit.
La BID continuera d’étudier de près les bénéficiaires éventuels de ses programmes avant de se mettre à soutenir des réformes, a poursuivi Iglesias, afin de concevoir des mécanismes qui feront en sorte que les intérêts corporatistes seront moins susceptibles de s’accaparer une part disproportionnée des bienfaits de la croissance.
Prudence, équité, intégration
Afin d’atténuer l’impact des éventuelles évolutions de la conjoncture économique internationale, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes doivent jouer la carte de la prudence pendant cette période de reprise, augmenter les bienfaits sociaux pour les groupes qui ont le plus souffert au cours des dernières années et accroître leur compétitivité et leur capacité de négociation dans les enceintes internationales.
Parmi les chantiers économiques à venir pour la région, Iglesias a évoqué la nécessité de renforcer les finances publiques, d’améliorer le profil de la dette extérieure, d’affermir les systèmes financiers et de créer un climat des affaires favorable.
Cela exigera des efforts de la part des pays et de la communauté internationale. Iglesias a souligné que la BID étudie avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international une nouvelle méthodologie visant les dépenses d’équipement dans la définition des objectifs pour les programmes économiques. Cela pourrait dégager une plus grande marge de manœuvre budgétaire, ce qui permettrait d’accroître les investissements publics, partant les potentialités économiques de la région.
Les gouvernements, eux, doivent gagner la confiance des investisseurs et pour ce faire, ils doivent s’abstenir de susciter des incertitudes en modifiant par le seul fait du prince les règles de base et les accords.
S’agissant du chantier social, la région doit moderniser le droit du travail pour encourager les créations d’emplois, accroître l’efficacité des services sociaux comme l’éducation et la santé, favoriser l’intégration sociale des peuples indigènes et des populations d’ascendance africaine et encourager la participation des citoyens à la prise de décisions concernant les politiques publiques.
Iglesias a dit aussi qu’il comptait sur les pays d’Amérique latine et des Caraïbes pour poursuivre leurs négociations en vue de la création d’une Zone de libre-échange des Amériques, bien qu’il reste des questions à régler à la suite de différends sur les subventions agricoles et les entraves au commerce international dans les pays industrialisés.
La BID, a-t-il ajouté, est prête à accompagner les efforts d’intégration des emprunteurs, depuis la négociation d’accords jusqu’à la mise en œuvre des réformes structurelles que les pays devront engager pour tirer tous les bienfaits de la libéralisation du commerce, en réduire les coûts et en atténuer les impacts.
Ce soutien peut concerner le renforcement des moyens institutionnels consacrés aux négociations commerciales, la compétitivité, les équipements de base, la réforme des douanes et de la fiscalité, ou encore l’aide aux secteurs affaiblis par le passage au libre-échange.
À l’interne
S’agissant de la BID, Iglesias a dit aux gouverneurs que la nouvelle politique relative à l’adéquation des fonds propres a aidé à préserver les solides assises financières de la Banque. Forte de ses actifs, la BID assortit ses prêts de taux d’intérêt qui sont les plus faibles parmi les banques multilatérales.
Il a souligné aussi que des mesures ont été prises au cours de la dernière année pour renforcer les contrôles internes de la BID face à la fraude et à la corruption, ainsi que pour harmoniser ses règles d’administration avec les meilleures pratiques reconnues à l’échelon international.