Combien y a-t-il au juste de Latino-américains pauvres ? Il y a une statistique très largement répandue, selon laquelle une personne sur trois dans la région dispose d'un revenu de moins de deux dollars par jour.
Nul ne peut nier que la pauvreté est omniprésente en Amérique, mais l'insuffisance des données nous met dans l'impossibilité de mesurer exactement la gravité du problème dans la région, affirme l'économiste Nora Lustig, chef de la nouvelle Direction des services consultatifs sur la pauvreté et l'inégalité à la BID. Pour commencer, les chiffres que l'on peut avancer concernant l'ensemble de la région sont presque forcément inexacts puisque ce ne sont pas tous les pays qui effectuent des sondages pour mesurer la pauvreté.
En fait, certains pays où la pauvreté est très grande - et il ne s'agit pas d'une constatation fortuite - ne disposent pas de ces informations , a-t-elle souligné dans une communication faite à la Banque en mai dernier. Ainsi, nous ne disposons pas d'informations sur le Guatemala, ni sur le Nicaragua, ni sur la Bolivie rurale.
S'il est vrai qu'exclure les pays dont les populations sont relativement faibles ne change guère le pourcentage régional, il est indispensable pour les responsables de savoir combien de pauvres il y a dans un pays donné, affirme-t-elle.
Outre la couverture lacunaire, la diversité des méthodes dont se servent les analystes, les agences gouvernementales et les organisations multilatérales pour corriger les données en fonction de la sous-comptabilisation des revenus et des consommations vient embrouiller les chiffres. Il n'est pas inhabituel de trouver pour un même pays et une même année des calculs complètement différents, même avec un seuil de pauvreté identique. Lorsque cela se produit pour le Brésil, par exemple, le chiffre des pauvres peut enfler ou diminuer de 10 à 15 millions de personnes.
Il ne s'agit pas du tout d'arguties intellectuelles. L'absence de chiffres fiables nuit aux efforts visant à mesurer l'aggravation ou le recul de la pauvreté ou au ciblage des populations.
Pour aplanir cet obstacle, la BID, la Banque mondiale et la Commission économique des Nations Unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) collaborent à la mise en œuvre d'un programme de sondages dans les pays où ils sont inexistants ou susceptibles d'améliorations.
Nous avons espoir que dans dix ans ce problème n'existera plus , a-t-elle ajouté.