Du fait de décennies de détériorations du réseau routier en Haïti, le trajet de 250 kilomètres entre Port-au-Prince et Cap Haïtien, la ville principale de la côte nord, peut durer jusqu’à sept heures par la RN1, la route principale du pays.
Mais si le plan ambitieux du gouvernement haïtien d’améliorer les transports terrestres aboutit, le voyage pourrait durer quatre heures, pratiquement le même temps qu’au moment où la route a été pavée pour la première fois dans les années soixante.
Avec l’appui de la Banque interaméricaine de développement, d’autres institutions multilatérales, de la Banque mondiale, le Canada, la France, Taiwan et l’Union européenne, en 2008, le Ministère des travaux publics d’Haïti (MTPTC) a entrepris plus de 100 projets de routes principales, secondaires et tertiaires, ce qui constitue l’investissement le plus important d’Haïti pour son réseau routier depuis des décennies.
Gary Jean, Coordinateur du MTPTC.
“ Jamais, nous n’avons eu autant de projets en marche au même moment ”, commente Gary Jean, Coordinateur du MTPTC, qui a calculé que ces travaux donneraient du travail à quelques 10.000 personnes.
Indirectement, ces investissements en infrastructures génèrent plus de 70.000 emplois, créant de l’activité économique dans les zones où les projets sont menés à bien, étant donné que les équipes de construction ont besoin de toute une série de services, de la nourriture au logement. La où il y a des travaux fleurissent de petits marchés avec des vendeurs de fruits, d’œufs, de vêtements et même d’appareils électroménagers.
Une fois qu’une route est réhabilitée, l’activité économique peut croitre, profitant de la réduction des temps de transport. L’amélioration des routes permet également que les fruits et légumes arrivent dans un meilleur état sur les marchés, où ils peuvent être vendus à de meilleurs prix.
“ La reconstruction des routes est une priorité de première importance pour le gouvernement haïtien dans la mesure où elle sert sa stratégie d’intégration régionale, a assuré le représentant de la BID en Haïti, Philippe Dewez. Il est encore difficile d’atteindre de nombreuses communautés par la route. Avec de bonnes routes, ces communautés pourront être mieux reliées au reste du pays ”.
L’accent mis sur les investissements contraste avec la détérioration qu’ont connue les infrastructures de transport d’Haïti ces dernières années. Un inventaire réalisé en 2004 soulignait que seuls 5% des routes étaient en bon état. De fait, depuis 1991, le pays avait perdu plus de 1.000 kilomètres de routes rurales.
Les routes en mauvaise état ont des conséquences économiques et sociales énormes dans la mesure où elles renchérissent les coûts de transport et rendent plus difficiles les déplacements vers les lieux de travail, les marchés, les écoles et les hôpitaux.
Pour ces raisons, le gouvernement haïtien est décidé à améliorer le réseau routier, fixant comme priorité les routes qui relient les différents départements aux chemins ruraux qui relient les villages et les fermes au réseau secondaire.
La nécessité d’augmenter ces investissements s’est accentuée après les tempêtes destructrices de 2008 et l’augmentation des prix du pétrole qui a renchéri les coûts de construction des routes.
Un signe positif pour Haïti est la participation d’entreprises étrangères dans ses projets d’infrastructures. Il ya quelques années, l’instabilité politique constituait une barrière, sauf pour quelques entreprises de construction locales. Comme les entreprises haïtiennes tendent à être de petite taille, elles ne peuvent s’investir que dans des projets de plus petite taille.
Des sociétés comme Ingenieria Estrella de la République dominicaine travaillent à l’heure actuelle sur la RN1. La société occupait récemment environ 200 ouvriers sur un projet pour améliorer un tronçon de 80 kilomètres de Bon Repos, dans les environs de Port-au-Prince à la ville de Saint-Marc.
"En termes d’ingénierie, cette route ne servait pratiquement à rien car elle ne pouvait plus être utilisée à cause de son mauvais état" commente Alejandro Adames, le Directeur du projet de Ingenieria Estrella.
Après un an de travail, ils étaient sur le point d’élargir la route de 5,5 mètres à 7 mètres en ajoutant un accotement d'1m 50 de chaque cote de la route.
Interrogé sur les conditions de sécurité en Haïti, l'ingénieur dominicain a expliqué que la société " ne prend pas de précautions extraordinaires. Nous embauchons quelques gardiens locaux, mais nous laissons les machines et le matériel sur le côté de la route et personne n'y touche" dit-il.
Adames a bien pris note des commentaires positifs qu'il a entendus de la part des résidents locaux : " C'est un travail difficile, 12 heures par jour sous un soleil assommant,
mais les gens sont heureux de voir que le projet avance"
Reconstruction d'une entreprise
Dans la péninsule méridionale d'Haïti la BID a alloué $100 millions de dons pour financer des travaux sur la RN2, qui relie Port-au-Prince aux départements du sud : Grand’Anse et Nippes. Même s'il restait à terminer les travaux sur différents tronçons avant les tempêtes de l’année 2008, le trajet de la capitale jusqu’à la ville des Cayes pouvait se faire en trois heures et demi, à comparer avec six heures avant que ne débutent les travaux de rénovation.
Travaux sur un tronçon de la RN2.
Les dons de la BID seront complétés par un don du Canada de $Can75 millions servant à financer des projets des Cayes à Jérémie, pratiquement au bout de la péninsule.
Une des principales entreprises contractuelles de la RN2 est Vorbe et Fils, une entreprise de constructions haïtienne, qui est passée par des hauts et des bas, à l’image du pays. L’entreprise créée il y a quatre décennies a pris son essor en s’associant à des entreprises américaines, françaises et italiennes, pour des projets routiers.
Au cours de la décennie passée son volume d’affaires a baissé de 90% après l’embargo de la communauté internationale contre une dictature militaire haïtienne. Le pays a commence à récupérer au moment de son retour à la démocratie en 1994, avant de souffrir de nouveaux revers avec une nouvelle période d’instabilité au début de la décennie actuelle.
À mesure qu’Haïti s’est stabilisé sous le Président René Preval, la capacité de Vorbe et Fils à exécuter des projets a été multipliée par six. L’entreprise a investi des millions de dollars dans de nouveaux équipements et a recruté des cadres et contremaitres, certains venant de l’étranger, en particulier des émigrés haïtiens.
(de droite à gauche) Reginald Vorve, Jean-Luc Vorbe, Willy Adam et Fritz Leger. M. Vorbe est décédé en décembre 2008.
“ Nous avons eu quelques soucis liés à notre croissance, certainement, mais nous avons surmonté toute une série d’obstacles” a commenté Reginald Vorbe, fils à présent défunt du fondateur de l’entreprise de construction, ajoutant que pour 2009, l’entreprise pourrait participer à des appels d’offres allant de $30 à 35 millions.
A la question de savoir si la concurrence étrangère le préoccupait, Vorbe a répondu qu’en général, les entreprises étrangères étaient à la recherche de contrats plus importants. Peut être d’ici à cinq ans, lorsque nous pourrons participer à des projets de $80 millions, je commencerai à m’inquiéter, dit-il.
L’entreprise employait quelques 300 personnes travaillant sur la RN2, mais ce chiffre pouvait atteindre 1.500 personnes en cas de travaux supplémentaires.
Drainage et entretien
Dans beaucoup de pays, les autoroutes souffrent du passage de camions surchargés. Mais en Haïti, l’ennemi principal des réseaux routiers est le manque de drainage, selon Viviane Saint Dic, Conseiller Principal de MTPTC.
L'entretien des routes est un problème perpétuel pour Haïti.
Tous les ans, à cause des tempêtes, pierres et gravas tombent sur les routes. En roulant dessus, les camions endommagent le revêtement. L’eau entre dans les fissures qui, faute de réparations, peuvent s’élargir. Pour cette raison, il est essentiel de réaliser régulièrement des inspections et un entretien pour maintenir le réseau dans un bon état, ajoute-t-elle.
Les entreprises sont responsables de l’entretien des routes réhabilitées pendant une durée d’un an après la fin des travaux. Apres cela, la responsabilité passe à un Fond d’entretien des routes géré par le MTPTC.
Comme beaucoup d’autres pays, Haïti dispose d’un impôt spécial sur la vente de combustibles pour financer l’entretien des routes. Toutefois, l’impôt d’une gourde par gallon (à peu près, 2,5 centimes de dollar) n’a pas été modifié depuis son introduction par le parlement haïtien en 2000. A l’époque, le gazole coûtait 30 gourdes par gallon, contre 140 aujourd’hui. Cet impôt spécial permet de lever $3 millions auxquels le gouvernement doit ajouter une vingtaine de millions de dollars pour le Fonds en question.
Dans le cadre des efforts entrepris par Haïti pour créer davantage d’emplois et d’opportunités de revenus, le MTPPTC utilise de petites et micro-entreprises pour réaliser des travaux d’entretien de base, couper la végétation sur le bord des routes et enlever les débris.